Friday 13 February 2015

Bamako, Hamdallaye ACI 2000 et ses fières allures

          Il y a une question que je me pose chaque 5 du mois quand je m'apprête à payer le loyer de mon modeste appartement d'une chambre salon avec douche intérieure, sans magasin ni cuisine que je loue à Bamako depuis cinq mois. Y a t-il des personnes qui ne pourront jamais vivre un jour dans leur propre maison dans ce pays? La réponse...
je sais que vous le savez aussi, est OUI! 
          Je me rappelle il y a 8 ans de cela quand ma famille emmenageait à Bamako, l'immobilier avait déjà un prix (...enfin pour quelqu'un comme moi qui vient du Togo et qui a vécu au Bénin). Mais alors en 2015, c'est complètement devenu fou! Je me demande aussi si je suis la seule à m'en plaindre. Je suis sûre et certaine que NON.

     Voyons! Imaginez juste un peu un fonctionnaire moyen qui gagne en moyenne 200 000FCA par mois.

 -L'augmentation des salaires, c'est pour bientôt-. Il vit avec sa femme ses deux enfants. S'ils vivent dans la maison familiale, disons qu'il a de la chance mais dans ce cas, bonjour les misères pour Madame! (suivez mon regard...). Dans le cas contraire, il devra comme moi se chercher ailleurs. La décision sage serait de s'installer loin du centre ville. Là, il peut payer 35 à 40 000F pour un chambre salon acceptable. 
         Ou sinon, il y a aussi ce fameux quartier que tout le monde dit chic ou encore quartier des "expatriés", Hamdallaye ACI 2000.


Vue aérienne d'Hamdallaye ACI2000
         A l'origine, la zone était presque normale jusqu'en 2005 quand Bamako a accueilli le 23ème sommet des chefs d'Etats Afrique-France (Encore une autre tare...). L'Etat y avait fait construire 34 villas de haut standing pour accueillir les invités. Et les promoteurs immobiliers y on trouvé leur manne!!!
        Rassurez-vous, je ne suis pas une envieuse de leur business, mais soyons sérieux, le phénomène prend des ampleurs demésurées au fil des années pendant que le pauvre fonctionnaire de son état n'a que ses yeux pour contempler et assister à ce que j'appelle la folie de l'immobilier à ACI 2000.
        
        Revenons à mon cher fonctionnaire moyen malien qui décide de se frotter au semblant  d'opulence d'Hamdallaye ACI 2000.(Visionnez la carte) 
Là il devra payer à partir de 50 000F pour le moins cher. Il devra assurer la nourriture pour sa merveilleuse et nombreuse famille de sept personnes au moins, sans compter les amis, s'il vous plaît! Il lui faudra budgétiser 70 000F en gros. Il devra ensuite s'assurer que sa femme soit toujours belle et que ses boubous bazin soient parmi les plus brillants lors des quatre mariages et/ ou baptêmes prévus chaque mois de l'année. Vous comprendrez qu'il lui faudra mettre le reste de son salaire s'il veut vraiment lui faire plaisir. Mais oui, le social est très important chez nous!#Jedisçajedisrien
Il lui reste à trouver les moyens pour payer l'eau, l'électricité, ses déplacements, les frais de santé et tout le reste. 
...Ah oui, j'oubliais, il devra épargner pour espérer un jour acheter un terrain et construire sa maison. Purée, par quelle magie?!!!
Et dans tout ça, les propriétaires de maison jouent la règle connue de tous: 
             "No pity in business"
       D'abord pour trouver un appartement, il te faut être "connecté". Entre temps, tu as maintes fois été le pigeon des démarcheurs qui sont fatigués de collecter des 2000 et 5000F gratuitement. Le système est compliqué, et tout le monde en a pour son intérêt.



Certains me diront que construire une maison revient très cher et je suis d'accord. Mais je refuse que cela soit un prétexte pour mieux escroquer les pauvres gens, moi y compris.


        Il y a des jours où je me suis dit: "si seulement l'on pouvait transporter sa maison partout où l'on va..."   La crise au Nord du Mali ne pouvait pas mieux arranger les choses. Je veux parler du déploiement des "expats" des ONG internationales et de la grosse machine administrative et humaine de la MINUSMA. Depuis 2013, les immeubles poussent comme des champignons ici. Le loyer des appartements a en moyenne augmenté de 30%. Des prix qui donnent le vertige. Des prix qui font réagir mes amis togolais de cette manière: 

   "Répète s'il te plaît! Avec ça, je suis sûr de me trouver un petit quart de lot à Sanguéra!" 

    Et la demande reste forte! Le Mali traverse une crise, mais le secteur de l'immobilier se porte à merveille, je vous rassure! 

Je me dis que les Nations Unies et les autres organisations auront intérêt à soutenir les affaires jusqu'au bout et ce, quelqu'en soit le prix! Ceci pour la simple raison que je ne vois pas mon fonctionnaire moyen malien, à son même niveau, occuper un de ces appartements hors de prix. Sauf s'il choisit la voie de la corruption pour arrondir ses fins de mois. Mais alors, les inégalités deviendront de plus en plus accentuées. La crise risquera bien de se prolonger...Imaginez qui sera le grand perdant...

Mais pour le moment, ACI 2000 s'affiche comme toujours très sûr de lui dans une fière cité des trois Crocodiles (Bamako)


Pour moi, je finirai bien par trouver quelque chose à Noepe ou à Badja dans mon pays, pourvu que ce soit sur la route de Kpalimé... 


2 comments:

  1. Revenons à ton fonctionnaire Ayaba. tu as oublié une chose importante, très importante pour tout bon fonctionnaire qui se respecte, son deuxième bureau. et la le cycle recommence : appartement donc loyer, habillement donc bazin, bijoux maquillage et tout l'attirails d'une bonne maitresse...
    Et puis pourquoi faut-il que s'en soit un et non une fonctionnaire? Et puis franchement si madame aussi contribuait, le cout ne serait pas si élevé.... suis mon regard...

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  2. Rires! Sosthène, dans le milieu malien, l'expression "deuxième bureau" n'existe pas puisque les hommes ont le droit de marier jusqu'à quatre femmes (entre temps, il peut s'arranger des rencontres jouissives fortuites et passagères...on se comprend? Oui, je crois bien!). Tout compte fait, cela contribue toujours à l'appauvrissement de notre cher fonctionnaire.
    La situation d'une femme fonctionnaire ou d'une femme de fonctionnaire ne diffère pas autant de celle que j'ai exposée. Les maliens le reconnaissent, le social est ce qui tue leurs poches, mais heureusement qu'il est aussi ce qui les maintient aussi soudés et solidaires que nous le remarquons!

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